Mesure du taux d’alcool – Part 2 : Distillation ou Infrarouge

Jan 17, 2024 | Alcoométrie, Méthodes d'analyse

La méthode officielle de détermination du taux d’alcool d’un spiritueux impose une distillation préalable pour éliminer les résidus pouvant fausser la mesure de masse volumique. Cependant, la distillation ne permet pas d’éliminer complètement tous les composés volatiles autre que l’éthanol.
Qu’en est-il des mesures faites avec des appareils automatiques ou semi-automatiques, très sélectifs de l’analyse de l’éthanol comme les analyseurs proche infrarouge ?

Méthode officielle de détermination du taux d’alcool dans un spiritueux

La méthode officielle de mesure du taux d’alcool découle de la définition officielle du taux d’alcool qui est la suivante :

Selon le règlement européen CE 2870 de 2000, Le titre alcoométrique volumique réel (T.A.V.) des boissons spiritueuses est égal au nombre de litres d’alcool éthylique contenu dans 100 litres de mélange hydroalcoolique ayant la même masse volumique que la boisson spiritueuse après distillation.
-> Un mélange hydro-alcoolique à 40 % vol. contient donc en théorie 400ml d’alcool éthylique (Ethanol) dans 1 litre à 20°C.

Pour respecter la définition officielle, il est nécessaire de réaliser la mesure du T.A.V. par densimétrie, sur un produit ne contenant pas d’extrait sec.
Or pour éliminer l’extrait sec, il est nécessaire de passer par une étape de distillation.

Pour un produit ne contenant que de l’eau et de l’alcool, la mesure du T.A.V., avec un alcoomètre ou autre appareil de mesure par densimétrie, peut être obtenue directement sur le produit.

Par contre, pour un produit contenant de l’extrait sec, le produit doit être distillé pour éliminer l’extrait sec. La mesure du T.A.V. avec un alcoomètre ou autre appareil de mesure par densimétrie doit se faire sur le distillat.

Les alcoomètres mesurent une masse volumique, mais sont étalonnés pour donner directement le T.A.V..
La table officielle qui donne la correspondance entre la mesure de M.V. et du TA.V.  est la Table II de la Recommandation N° 22 de l’O.I.L.M. (Organisation Internationale de Métrologie Légale) (1).

Note:
Tant que le produit ne contient pas d’extrait sec
, la mesure par des méthodes de mesure de masse volumique, dites « densimétriques », correspond au T.A.V. réel.
Lorsque le produit contient de l’extrait sec, la mesure par méthode densimétrique, sans distillation préalable, correspond ce qui est appelé T.A.V. brut.
En effet, l’extrait sec augmente la masse volumique et de ce fait génère une lecture de T.A.V. plus faible.

La différence entre le T.A.V. réel et le T.A.V. brut est appelée « degré d’obscuration »

Pour plus de précision se référer à l’article dédié au Degré d’obscuration (thème: Alcoométrie)

Qu’elle soit réalisée en laboratoire ou en distillerie, la distillation bien qu’elle permette de se débarrasser de l’extrait sec, elle laisse passer un certain nombre de substances volatiles susceptibles de modifier la masse volumique du distillat.
Parmi les composés volatiles qui passent en totalité ou en partie pendant la distillation, il peut se trouver des aldéhydes, des esters, des alcools supérieurs et bien d’autres composés en concentration plus ou moins importante. La présence de ces composés dans le distillat modifie la lecture du T.A.V..

Conclusion: La méthode officielle de détermination du T.A.V. n’est pas très sélective du dosage de l’éthanol

Influence des concentrations en substances volatiles sur la mesure du T.A.V. par la méthode officielle

Sur la base d’analyses, effectuées par chromatographie gazeuse – détecteur à ionisation de flamme (FID), de tout type de spiritueux, une étude interne a été menée par EC Consulting (2) pour calculer l’influence du profil des principaux composés volatiles sur la mesure de masse volumique.

Le tableau de synthèse, ci-dessous, donne des exemples de profils chromatographiques d’un certain nombre de spiritueux.

– Les spiritueux sélectionnés sont tous exempts d’extrait sec.
– Le T.A.V. brut, mesuré directement sur ces spiritueux, est indiqué dans la colonne T.A.V. en % vol.
– Les concentrations en différents composés volatiles sont exprimés en mg/l.
– Le T.A.V. a été recalculé à partir de la masse volumique qui serait obtenue sans l’effet de ces composés.
– L’écart entre le T.A.V. mesuré et le TA.V. recalculé est reporté dans la dernière colonne.

(a) Aldéhydes = Ethanal + Acétal exprimés en éthanal
(b) Alcools supérieurs = Butanol-1 + Butanol-2 + Propanol-1 + Isobutanol + Alcools isoamyliques
(c)  Esters d’acides gras = Caprylate, caprate, laurate d’éthyle

Les conclusions de cette étude, sur la base des profils étudiés, sont les suivantes :

  • Dans le cas d’une mesure de masse volumique que ce soit après distillation ou directement dans un spiritueux ne contenant pas d’extrait sec, la mesure du T.A.V, par méthode densimétrique, peut être influencée par certains composés volatiles intrinsèques au produit analysé.
  • Les composés les plus influents sont l’acétate d’éthyle et les alcools supérieurs.
  • Pour la plupart des spiritueux de cette étude, l’écart constaté entre la mesure du T.A.V. par densimétrie et le calcul de la masse volumique est entre 0.2 et 0.3 % vol..
  • Pour des spiritueux encore plus chargés en alcools supérieurs et/ou en acétate d’éthyle, les écarts peuvent dépasser les 0.3 % vol..

Qu’en est-il des méthodes de mesure du T.A.V. par mesure en Infrarouge, très sélective du dosage de l’éthanol ?

  • Les analyseurs proche ou moyen infrarouge permettent d’analyser un certain nombre de composés des spiritueux.
  • Ils nécessitent peu de volume et peu de préparation d’échantillon. En général, une simple filtration suffit.
  • Selon le type d’appareil, ils peuvent être très sélectifs de la mesure de l’éthanol. Dans ce cas, ces appareils mesurent le T.A.V. sans être influencés par les autres composés volatiles.

Conclusions :
Lorsque les composés volatiles sont en concentration telle qu’ils influencent de façon significative la mesure du T.A.V. par méthode officielle, la comparaison avec le résultat obtenu avec des appareils très sélectifs de la mesure de l’éthanol, peut donner des écarts supérieurs à l’incertitude de mesure de la méthode officielle, qui est d’environ 0.2% vol..

Conséquences :
Il n’est pas recommandé d’utiliser ce type d’appareil, lorsque la mesure du TA.V. doit être comparable à celle de la méthode officielle et que le profil chromatographique des principaux composés volatiles du produit analysé n’est pas connu.

Par contre, ces appareils sont tout à fait recommandés pour du contrôle de production interne, si le profil chromatographique du produit analysé est connu ou si le produit correspond à une gamme dont les profils varient peu.
Il faut s’assurer de bien être dans les limites de T.A.V. minimum et maximum qui peuvent être analysés selon le type d’appareil.

Les analyses sont rapides, automatisables, consomment peu d’échantillon et la reproductibilité est en général bien suffisante compte tenu des incertitudes exigées pour cette analyse.

La justesse dépendra essentiellement de la qualité de l’étalonnage.

Peut-on étalonner les analyseurs proche infrarouge pour retrouver les mêmes résultats de T.A.V. que la méthode officielle ?

Il est possible d’obtenir des résultats comparables à la méthode officielle en suivant une de ces 2 méthodes :

1ère méthode : Etalonnage avec une gamme d’un même type de produit, produits pour lesquels la valeur de référence du T.A.V. a été établie avec la méthode officielle par un laboratoire accrédité. Suivant les gammes de produit, ceux-ci peuvent être plus ou moins chargés en composés volatiles. Il peut donc être nécessaire de réaliser plusieurs étalonnages différents.

2ième méthode : Etalonnage avec des mélanges eau-éthanol dont les valeurs de référence du T.A.V. sont établies par mesure densimétrique. Analyser une gamme de produits d’un même type, pour lesquels la valeur de référence a été établie avec la méthode officielle par un laboratoire accrédité. Puis déterminer le facteur de correction à cette gamme en calculant la moyenne des écarts obtenus entre l’analyseur infrarouge et la méthode officielle. Le facteur de correction va dépendre de la charge en composés volatiles.

L’étalonnage avec des mélanges hydroalcooliques est plus simple à réaliser.
En effet, lorsque l’appareil est couplé à un densimètre électronique, les valeurs renvoyées par cet appareil sont très fiables et permettent un étalonnage de l’analyseur proche infrarouge plus précis et plus facile à contrôler.

Compte tenu de l’influence des composés volatiles sur la mesure du T.A.V. par densimétrie, qu’en est-il de la précision des mesures de taux d’alcool qui sont faites lors des distillations de production d’eaux-de-vie ?

Les mesures de T.A.V. en distillerie sont utilisées pour régler certains paramètres de la distillation ou encore pour calculer le rendement de distillation.
Ces mesures sont toutes réalisées par densimétrie (alcoomètres, densimètres électroniques, débitmètre massique).
Or certaines fractions peuvent être très chargées en composés volatiles, notamment en acétate d’éthyle dans les têtes.

Conclusion :
Seules, des études approfondies menées à partir des profils chromatographiques des fractions de distillation permettrait d’évaluer l’influence des mesures de T.A.V. par densimétrie, sur le réglage des appareils à distiller ou encore sur les calculs de rendement de distillation.

Evelyne CHANSON – Consultante en contrôle qualité des Vins et Spiritueux de EC Consulting

  1. Recommandation O.I.M.L. R022 -f75 – Tables d’alcoométriques officielles
  2. Etude interne EC Consulting, réalisée à partir de profils chromatographiques connus en fonction de différents types de spiritueux.

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